dimanche 25 mars 2007

Le raku

Le raku ( japonais : 楽焼 rakuyaki ) est le résultat d'une technique d'émaillage d'origine coréenne qui s'est développée dans le Japon du XVIème siècle. Il est lié essentiellement à la fabrication de bols pour la cérémonie du thé. Elle est liée à la culture séculaire du Zen, une philosophie et idéologie orientales du seizième siècle. Importée en 1940 par le céramiste anglais Bernard Leach, elle a été transformée par des artistes américains à partir des années 60 pour devenir un mode d’expression artistique beaucoup plus libre.

Dans l'atelier que je fréquente c'est un type de cuisson que nous utilisons une ou deux fois par an. C'est l'occasion de réunir tout le monde autour d'une occasion qui finit par ressembler à un cérémonial. Quelques semaines avant nous créons des pièces destinées à ce jour; on n'utilise pas n'importe quel terre et les pièces doivent être "calibrées" pour pouvoir entrer dans le four à raku qui n'est pas le four électrique que nous utilisons habituellement. Le jour dit, nous opérons 8 à 10 cuissons "raku" et en profitons pour déguster le couscous de Sonya.

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Les pièces fabriquées sont séchées, cuites une première fois pour obtenir un "biscuit". Celui-ci est alors émaillé ou non, partiellement ou non.

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Elles sont ensuite disposées dans le four. Chez nous, le raku est une histoire de "feeling" dans le sens où nous ne chronométrons rien, tout se fait au ressenti. C'est pour cela que les résultats obtenus ressemblent rarement à ce que nous imaginions (d'ailleurs, pour ma part, je ne me creuse même plus la tête à imaginer quoi que ce soit).

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Le four est pourvu d'une ouverture à son sommet; on peut ainsi surveiller la cuisson. Lorsque les pièces obtiennent une couleur rose incandescent, presque translucide, on considère que la cuisson est terminée. Le four est ouvert, la température avoisine les 1000 degrés.

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Les pièces sont extraites et mises en contact avec une matière inflammable, nous utilisons la sciure, mais cela peut être du papier, des feuilles, etc.

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Le feu est aussitôt étouffé et la privation d'oxygène provoque une épaisse fumée. La suie s'infiltre dans les craquelures obtenues par le choc thermique et sur les endroits non émaillés. La pièce est ensuite lavée et énergiquement brossée afin d'enlever la suie supplémentaire.

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Le résultat est souvent surprenant étant donnés les paramètres entrant en jeu dont certains que nous ne maitrisons pas :

  • la forme de la pièce,
  • le choix de l'émail utilisé,
  • la quantité de cet émail, la manière dont nous l'avons passé, trempage, pistolet, pinceau,
  • l'origine de l'émail (l'oxyde qui le compose), le rouge, par exemple est très sensible aux températures,
  • le temps de cuisson : la première cuisson, à partir du four froid, prend environ une heure, les cuissons suivantes se succèdent toutes les demi-heures environ,
  • la proximité de la flamme,
  • la proximité des autres pièces du four et l'émail qui couvre ces pièces,
  • l'intensité du choc thermique,
  • le temps d'enfumage et la manière d'enfumer : on peut laisser le combustible s'éteindre de lui-même ou l'étouffer, recouvrir plus ou moins la pièce, etc.
  • le soin qu'on apporte au lavage,
  • les incidents divers, comme la pièce qui se brise, par exemple.

Tous ces paramètres sont évidemment contrôlables, c'est ce que font les professionnels qui assurent par exemple une température au degré près, ne mélangent pas les émaux (tous les "rouges" doivent être cuits ensemble), pratiquent toujours de la même façon, etc. Mais bon, ce sont des pros, ils en vivent et n'apprécient pas les surprises. L'avantage justement de l'amateurisme, c'est ça, la surprise, le résultat imprévu, celui qui nous fait découvrir la pièce finie avec tous ses détails, les petits bonheurs de tel ou tel reflet, les appréciations des autres, la joie de la réussite, de la sienne et de celle des autres.

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Et même les petits ratés parfois sont jouissifs. Ci-dessus l'exemple de Fédérico, notre sculpteur. Il avait fait un buste féminin; Fédérico a la particularité de ne jamais émailler ses pièces; il les fait cuire brutes et laisse toute liberté à l'enfumage de faire ses effets. Il sculpte son oeuvre dans un bloc d'argile, puis il évide la pièce en la coupant en deux et en la recollant. Ici, le buste a parfaitement supporté la première cuisson, mais le choc thermique de la seconde a eu raison de l'intégrité du buste qui s'est séparé en deux à l'endroit justement où la pièce avait été recollée.

Il faut avoir beaucoup d'humilité, la bonne humeur chevillée au corps (ou une colle super efficace) pour accepter le bris d'une pièce sur laquelle on a passé pas mal d'heures de travail.

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